En eaux troubles

En eaux troubles

COMMENTAIRES

Film captivant. Bonne psychologie du bien et du mal.

beau film, pour la similitude avec "Angèle et tony" de loin, là c'est
+ lent à démarrer un peu pour nous porter et c'est sur un autre fond.
bien, en doublure, qui aurait fait la voix.... bon, disons à bon entendeur seulement des fois il n'est pas doublé. bon registre de film, je conseille.

Erik Poppe sera là pour présenter son film dans le cadre du Festival "L'Europe autour de l'Europe" le mercredi 16 mars à 19H50 au cinéma l'Entrepot à Paris !!!

Erik Poppe a parfaitement intégré les règles de l'école "Dogme 95" chères à Lars von Triers et en tire ici le meilleur. Cette approche "naturaliste" est particulièrement bien choisie pour ce thriller psychologique. Le thème, peu traité au cinéma, est passionnant, la construction narrative originale. Les acteurs, recréant une vaste palette d'émotions, sonnent justes. Des moyens et des effets sans superflu entièrement au service de l’histoire, comme sait le prodiguer le cinéma scandinave. Une belle réussite.

Juste avant ma séance j'entendais deux hommes discutailler et l'un se montra curieux à propos du film "En eaux troubles". L'autre tira de sa mémoire quelques détails du synopsis avant de conclure que la Norvège est morne…
Pas autant que les Flandres, lui rétorqua son ami, si ? Ainsi la conversation dévia-t-elle et j'en profitai pour noyer mes oreilles dans le flot de la circulation. Des goûts et des couleurs ; ces hommes avaient pris déjà un billet pour le film "Plein Sud" ! Il faut bien que le corps exulte.

Erik Poppe dépeint autre chose qu'une Norvège morne, à bien des égards. La construction même du film est à la limite du jeu de proie et d'ombre. Sauf qu'il s'agit non pas d'un jeu machiavélique sinon d'un carrousel plus complexe de tiraillements. La douleur de parents meurtris et la rédemption pour le jeune meurtrier s'accompagnent pour leurs cas respectifs de peur et aussi d'une transmission de peurs qui rejaillissent dans une seconde partie du film sur chacun des personnages impliqués plus ou moins directement dans la sphère. C'est par exemple une mise à l'épreuve de Thomas face à un enfant, ou le profilement d'un nouveau drame dont on devine l'auteur bien vite mais pas l'issue tant Agnès est imprévisible, tout cela avec une mise à l'épreuve de la foi de la pasteure.

À travers des situations quasi anecdotiques par rapport à l'intrigue sont abordées les éternelles contradictions propres au sens de nos vies. Avoir mal en silence pour rester à l'écart mais au milieu de tous. Pour des questions de deuil, de rejet d'une mère célibataire, de vérité sur une deuxième chance. La musique de Thomas semble son seul salut, le seul bienfait qu'il puisse partager sans être lynché. (Les interprétations de l'acteur sont vraiment saisissantes.)
Par toutes ces touches aux couleurs étranges, entre sourires pincés et éclats contenus jusque dans une église, "En eaux troubles" révèle à mes yeux nombre de facettes d'intolérance de cette morne Europe du Sud – du Danemark.

Somptueuse avalanche sonore et visuelle autour d'une disparition : "l'expiation", terme employé par l'avenante pasteure, l'inverse d'une grenouille de bénitier avec ses affolantes tenues d'été. On va jouer "Bridge over troubled water" dans cette église offrant de rebondir à un organiste engagé à force de talent et de charme... Manqueraient juste quelques retours en images sur Jan-Thomas enfant ou quelque chose précisant cette pulsion d'enlèvement (à deux) d'un innocent dormant dans sa poussette : le jeune homme confie qu'il a été déboussolé par la mort de sa propre mère à l'adolescence, mais silence complet sur le complice de ce jour maudit, évaporé du film... On s'acclimate bien volontiers à la vraie blondeur et aux vrais yeux couleur d'eau nordiques en revanche. Grande qualité picturale, des mouvements amples de la rivière aux intérieurs, tous les jaunes orange au bistre et comme voilés, jusqu'à cette blancheur extrême, ces pieds sur les draps au petit matin... Aucune ambiance réfrigérante prolongée (les films nordiques "Festen", "Mifune Dogme III", le bijou de cruauté "Open Hearts" distillent aussi cette chaleur picturale par rapport aux drames traités). La souffrance se communique sans entrave aucune par l'orgue de cette église du bonheur, qu'on rêverait tous de fréquenter. Passé et présent s'enchevêtrent en constants allers-retours un peu longuets, les craintes de la mère du disparu, le suspect qui dépasse sa terreur d'enfant abandonné sont dans la balance... Traumatismes bien décortiqués. Invitation à cogiter sur la durée des peines par rapport à la responsabilité sur toute la ligne. Rappel que nous sommes tous faillibles.

Sélectionné aux RCC de Cannes, ce film fait passer un excellent moment : il traite avec beaucoup de finesse de situations et de personnages complexes. On est tenu en haleine jusqu'à la dernière minute. Les 2 rôles principaux sont géniaux. Le photographe et remarquable, il en ferait même parfois un peu trop ! Si en plus on aime l'orgue, c'est l'orgasme cinématographique !!! Surtout ne pas connaître la fin avant de voir le film.