La Porte s'ouvre

La Porte s'ouvre

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Pour ma part, j'ai été bluffé. Le film n'a pas pris une ride et condense toutes les problématiques modernes, raciales et sociales, des États-Unis, le ressentiment y compris. Les acteurs sont tous excellents, ça va à fond la caisse, on sent l'oppression et l'aliénation sociales si chères au film noir se déployer subtilement dès la première scène. Il n'y a pas de romance inutile, le personnage de Sidney Poitier (excellent, tant on se sent proche de lui) n'est pas un faire-valoir, le film en lui-même n'est pas didactique (ouf, pas de gros sabots militants) et le final, qui aurait pu être évité, vu que le film trouve déjà une première résolution 15 minutes avant, est d'une gourmandise jubilatoire. Je suis surpris de voir que ce film de Mankiewicz, qui n'est pas n'importe qui, n'ait pas été réévalué avec le temps. C'est pour moi un véritable chef d'oeuvre, et je peux dire que j'en ai bouffé du Vieil Hollywood.

Les titres, "la porte s'ouvre" en français ou "sans issue" en anglais (no way out) signent ce premier prix du scénario en 1951, très rarement diffusé, fort mal reçu à sa sortie américaine en 1950 (maccarthysme aux Etats-Unis). On mesure le chemin parcouru avec l'élection d'Obama... Intéressant retour en arrière, quand le fossé entre les deux communautés était clair et net... L'acteur Richard Widmark (disparu récemment) incarne avec talent la brute mal aimée enfant, et qui déverse sa rage sur la cible autorisée tacitement par l'inconscient collectif, le Docteur Brooks (tout jeune Sydney Poitier), interne noir de cet hôpital ; une institution composée d'administrateurs zélés, évolués mais dépendants de l'Etat financièrement (noté au passage que Mankiewicz pointe déjà la notion d'hôpital centre de profit !). Où se passe l'action (nord ou sud ?), rien de précis, la sordide émeute au milieu du métal n'en dévoile pas davantage... Admirable chef de service (Stephen McNally), la classe incorruptible, face à une veuve équivoque (Linda Darnell), affichée épave mais capitale pour figurer le revirement humain. Bien aimé la radio tonitruante et ce sourd-muet dans son monde... En plus de dialogues concis, Mankiewicz est un as pour fourrer de la légèreté dans les pires pétrins... Les dernières minutes peuvent être jugées "too much", bien que le toubib commence à en avoir sa claque, ça se voit !